L’article 360 de l’ordonnance loi portant Code du numérique dispose que: » Quiconque initie ou relaie une fausse information contre une personne par les biais des réseaux sociaux,des systèmes informatiques,des réseaux de communication électronique de ou de toute forme de support électronique,est puni d’une servitude pénale de un à six mois et d’une amende de cinq cent mille à un million de francs congolais ou de l’une de ses peines seulement « .
Cet article est vedette aussi plus connu et commenté par les internautes jusqu’au point que le ministre du numérique, S.E . Eberande Kolongele se prononce en se félicitant d’avoir doté la RDC d’un régime pour réguler efficacement les réseaux sociaux et mettre un terme aux nombreux comportements déviants des internautes à travers les publications dans les réseaux sociaux.
Ainsi, notre analyse étant chercheur en Droit du numérique et en Droit pénal de presse veut vérifier si cet article 360 est une solution ou un problème ? Cette analyse aborde trois points, à savoir : explication de l’article 360 , limites de l’article 360 et vers l’admission de la dépénalisation des délits de presse par voie électronique
1. EXPLICATION DE L’ ARTICLE 360 DE L’O.L. PORTANT CODE DU NUMÉRIQUE : -Cette disposition incrimine le fait d’initier une fausse information,un mensonge contre une personne;
– le barème de sanction prévu est de prison allant d’un mois à six mois et d’une amende fixée de 500 000 FC à 1 million FC
– cette disposition protège seulement la personne et non la propriété. On peut parler de la personne physique et morale.
Donc, l’élément matériel de l’infraction, c’est l’acte de publication de la fausse information et l’élément moral, c’est l’intention de faire la publicité de la fausse information contre une personne.
2.LIMITES DE L’ARTICLE 360 DE L’O.L. PORTANT DU CODE DU NUMÉRIQUE
1– Du point de vu sémantique :La première faiblesse de cet article 360 est qu’il est écrit en français facile et non dans un langage juridique. Ce qui fait que le mensonge qui n’est pas une infraction mais un péché dans le monde physique devient une infraction dans le cyberespace.
Comment justifier qu’un acte de publication d’une fausse information sur le journal papier n’est pas une infraction mais elle le devient que si elle s’assoit sur un support électronique ?
2.2. Du point de vu de principe d’interprétation stricte de la loi pénale : En matière de droit pénal de presse,la qualification des faits infractionnels dépend de la qualité de la victime. Par exemple, une fausse information qui expose au mépris public dont le chef de l’État est victime est une infraction d’offense au chef de l’État et non une injure publique.
De même, les infractions comme outrages aux magistrats, outrages aux autorités publiques et institutions de l’État, etc.
Selon l’article 360, c’est exclusivement une fausse information contre une personne qui est sanctionnée tandis que la vraie information contre une personne par les biais des réseaux sociaux n’est plus une infraction.
Or, dans le régime répressif de la presse, plusieurs actes de publication des vraies informations sont incriminés et réprimés à l’instar de l’atteinte à la dignité humaine,aux droits à l’image et aux droits à l’intimité.
–atteinte à la dignité humaine : Exemple de l’atteinte à la présomption de droit de l’innocence ,de l’infraction de l’imputation dommageable qui punit à l’article 74 du Code pénal RDC le fait d’imputer méchamment et publiquement un fait précis qui est de nature à porter atteinte à l’honneur à cette personne.
Ce qui fait qu’aujourd’hui un journaliste qui publie un article sur un fait vrai, réel, authentique mais qui porte atteinte à l’honneur d’une autorité politique ne sera puni que si cela n’est pas fait par voie électronique.
–Atteinte aux droits à l’intimité ou à la vie privée d’une personne: Ce régime des droits à la vie privée incrimine toute publication au public malgré sa vérité relative au domicile, orientation sexuelle, appartence religieuse, état de la santé,la parenté d’un mineur, le secret de la correspondance, les données à caractère personnel sans le consentement de l’individu soit exceptionnellement au nom de droit à l’information du public.
–Atteinte aux droits à l’image : La publication d’une vraie photo ou une vidéo d’une personne peut porter atteinte à sa dignité humaine. Publier la photo d’un accusé en menottes soit publier l’image de la victime de viol.
Le cas aussi d’une personne qui publie sur Facebook les photos prises depuis 5 ans avec son ancienne copine récemment mariée à quelqu’un. La publication de cette photo n’est pas une fausse information mais elle est illicite car elle ne respecte pas les critères de l’opportunité et de l’actualité.
En fait, le régime de publication de l’image d’une personne exige deux niveaux d’autorisation ; d’une part, l’autorisation de prendre des images et d’autre part, l’autorisation de les publier au public. On peut avoir l’autorisation de filmer une autorité politique qui danse dans une fête de mariage de sa fille mais sans avoir l’autorisation de publier ces images dans les médias malgré la véracité.
3. VERS L’ADMISSION DE LA DÉPÉNALISATION DES DÉLITS DE PRESSE
C’est depuis plusieurs décennies que les ONG de défense des droits des journalistes se battent pour arracher une disposition légale qui dépénaliser les délits de presse.
En fait, il ne s’agissait pas de la dépénalisation des délits de presse dans le sens de rendre non infractionnel les infractions de presse qui peuvent être commises par toute personne.
Le vrai combat de la corporation des journalistes est la dérogation des poursuites judiciaires lorsque l’auteur de la publication de la vraie information sur le détournement, la corruption, le népotisme et autres est poursuivi devant la justice pour imputation dommageable ou diffamation alors qu’il a la preuve parfaite, complète et absolue.
L’article 35 de la loi française sur la presse du 29 juillet 1881 exclut toute poursuite judiciaire au nom du principe d’exception de la vérité contre un journaliste qui publie un article dont la preuve est parfaite, complète et absolue.
L’article 360 ne sanctionne que la publication d’une fausse information contre une personne par les biais des réseaux sociaux or en droit pénal,il y a un principe qui dit : »ce qui n’est pas interdit par la loi est autorisé. »
Donc, la dépénalisation des delits de presse est désormais admise en droit positif congolais à deux conditions : d’une part, que le contenu du message soit vrai et d’autre part,que la publication se fasse par les biias des réseaux sociaux soit par voie électronique.
CONCLUSION
L’ordonnance loi portant le Code du numérique vient de couvrir juridiquement plusieurs secteurs de la vie sociale et surtout encadrer le régime répressif de la cybercriminalité qui touche aux données numériques,au système informatique et à la sécurité informatique.
Elle a le mérite d’être saluée pour aborder les questions de la procédure pénale, de régime de la preuve électronique et de la responsabilité des prestataires de service. Cependant, elle a oublié de renforcer le régime répressif des infractions liées à la Cybercriminalité en doublant la peine comme une règle commune.
Par ailleurs, en abordant les infractions de presse en ligne, l’ordonnance loi a perdu de vue que d’une part, le régime de la presse nage entre le droit commun et droit particulier et d’autre part,que le droit du numérique se caractérisent par l’ubiquité et la dématérialisation.
A la lumière de ce qui précède, l’article 360 de l’ordonnance loi portant Code du numérique dans sa formulation s’écarte de lege ferende car il ne répond pas entièrement au problème posé mais à la préoccupation de la dépénalisation des delits de presse que le projet de l’ordonnance-loi sur la presse n’a pas répondu.
La dépénalisation des delits de presse est admise dans le droit positif congolais mais exclusivement dans le cyberespace.
Me Carlos Mupili Kabyuma, Spécialiste du Droit du numérique et du Droit de la communication