Kinshasa, 14 mai 2025 INFOSDIRECT – Une nouvelle étude conjointe publiée par les organisations AFREWATCH et Congo n’est pas à vendre (CNPAV) jette une lumière crue sur la mise en œuvre du volet infrastructures de la Convention de collaboration conclue en 2008 entre la République démocratique du Congo et le Groupement des entreprises chinoises (GEC), dans le cadre du partenariat minier et infrastructurel connu sous le nom de Sicomines.
Intitulé « RDC-Chine, Sicomines : Réalisation des infrastructures Sicomines – Marché de dupes ou opportunité manquée ? », le rapport a été rendu public ce mardi 13 mai à Kinshasa. Il documente de graves irrégularités qui, selon les auteurs, mettent en péril les bénéfices attendus de ce partenariat stratégique.
Des chiffres alarmants et une exécution en net recul
L’étude souligne un taux d’exécution particulièrement faible des engagements infrastructurels. Entre 2008 et 2023, seulement 1 132 km de routes ont été réhabilités, sur les 6 538 km initialement prévus dans la première phase, soit un taux d’exécution de 17,3 %.
Par ailleurs, AFREWATCH et le CNPAV affirment avoir identifié quatre projets d’infrastructures dont les coûts auraient été manifestement surfacturés, ainsi qu’un projet surfinancé. Ces éléments remettent sérieusement en question la transparence des processus de gestion et de passation des marchés.
Absence de planification et manquements juridiques
Les organisations dénoncent également l’absence systématique d’études préalables ayant conduit à la multiplication des avenants contractuels, ainsi que l’exécution de projets d’envergure sans autorisation parlementaire préalable.
Elles notent en particulier que des projets figurant dans l’Avenant n°5 à la convention – tel que la réhabilitation des axes Nguba – Mbuji-Mayi et Kananga – Kalamba Mbuji – n’ont pas été inscrits dans les lois de finances 2024 et 2025, en violation des règles de gestion budgétaire.
Soupçons de corruption et rétrocommissions
Le rapport révèle aussi des pratiques de corruption préoccupantes. Une somme de 22,5 millions de dollars aurait été versée aux négociateurs congolais, directement imputée au coût des infrastructures, un mécanisme assimilé à une rétrocommission par les auteurs du rapport.
À cela s’ajoute une inquiétude majeure quant à la viabilité du financement du projet, toujours tributaire des fluctuations du cours du cuivre sur le marché international, ce qui expose la RDC à des risques structurels persistants.
Manque de transfert de compétences et déséquilibres contractuels persistants
Selon AFREWATCH et le CNPAV, l’attribution quasi exclusive des marchés à des entreprises chinoises compromet sérieusement le transfert des compétences aux acteurs congolais. Cette configuration perpétue une dépendance technique et économique contraire aux objectifs initiaux de la convention.
« La Sicomines, censée garantir le remboursement d’un crédit de 3 milliards de dollars destiné à financer des infrastructures au bénéfice de la RDC, n’a pas rempli cette mission », ont déploré les deux organisations.
Une renégociation controversée
Pour mémoire, le gouvernement congolais et le GEC ont signé en mars 2024 l’Avenant n°5 à la Convention de collaboration, augmentant l’enveloppe dédiée aux infrastructures de 3,2 à 7 milliards USD. Malgré cette révision, de nombreuses voix au sein de la société civile, dont le CNPAV, continuent à dénoncer l’iniquité du partenariat et le déséquilibre flagrant en défaveur de la RDC.
Cette étude s’inscrit dans un contexte de revendication croissante pour une meilleure redevabilité des acteurs publics et privés impliqués dans la gestion des ressources naturelles du pays. Les conclusions du rapport invitent à une réévaluation urgente de la gouvernance du partenariat sino-congolais afin de garantir qu’il bénéficie effectivement au développement de la République démocratique du Congo.

