L’âme de l’opposant Chérubin Okende repose finalement en paix après plus de 8 mois de tourments, d’incertitude et d’enquêtes judiciaires interminables. Le mardi 20 mars dernier, en effet, des personnalités politiques, essentiellement de l’opposition, lui ont rendu les derniers hommages dignes d’un ancien ministre et député de la République.
Cependant, un bémol est à noter : l’absence totale et éloquente des autorités congolaises. Comme si, à l’instar de Jésus-Christ dans la Bible, elles ont tranché : « Que les morts enterrent leur mort ». Et, c’est d’ailleurs là toute la question qui taraude les esprits. Des interrogations diverses fusent : les officiels congolais ont-ils eu peur ou se sont-ils sentis plutôt coupables?
Pour nombre d’analystes, la peur d’affronter le regard des opposants politiques qu’ils ont vilipendés hier en marge de la campagne électorale pour la présidentielle peut avoir dissuadé les responsables étatiques à ne pas répondre au rendez-vous. Cela aurait été une vraie mer à boire pour eux. Également, des menaces expresses sont venues des Katumbistes. Ces derniers ont prévenu tout officiel congolais qui oserait se pointer à ces obsèques. D’ailleurs, le président de la ligue des jeunes de l’UDPS et PCA de l’OGEFREM, le seul à s’être pointé, a été refoulé de la cathédrale où les cérémonies funéraires se sont tenues. On pourrait donc déduire que par peur et prudence, les autorités congolaises ont refusé de répondre à l’appel pour éviter d’être pris au piège des opposants surexcités de colère.
D’autres observateurs soutiennent que l’absence des membres du gouvernement pourrait bien être justifiée par le contexte flou de l’assassinat de Chérubin Okende. Même si la justice a affirmé que l’opposant s’était suicidé, l’opinion nationale a du mal à y croire. Lors de sa prise de parole le même mardi, la famille du défunt a insisté, pour qui voulait l’écouter, que Chérubin avait bel et bien été assassiné.
Un document attribué à l’Agence nationale des renseignements, document à cause duquel le journaliste Stanis Bujakera a même passé plus de 6 mois en prison, chargeait les renseignements militaires congolais (ex-DMIAP). Pour le régime de Kinshasa, il s’agit d’une fausse note fabriquée de toutes pièces pour salir le pouvoir. Mais, il y a peu, un autre membre de l’Union sacrée, ex-ministre du Tourisme, est revenu à la charge dans un audio qui a fuité sur les médias sociaux. Dans son élément sonore, Modero Nsimba accuse Christian Tshisekedi (frère du chef de l’Etat) et Christian Ndaywel (responsable des renseignements militaires) d’être impliqués dans le meurtre de l’opposant à cause d’une affaire relative à l’acquisition d’une villa à Kinshasa.
Partant ainsi de ces éléments fondés ou pas fondés, en dépit de la version officielle, les dirigeants congolais se sentiraient coupables. Les plus radicaux ont toujours avancé que Chérubin Okende est pour le régime Tshisekedi ce que Floribert Chebeya a été pour le régime Kabila. Par culpabilité, Kinshasa aurait bien choisi de ne pas se pointer aux obsèques d’un de leurs adversaires politiques.
Quoi qu’il en soit, ces arguments ne seraient qu’echappatoires. Rien ne pourrait justifier l’absence totale des officiels du pays à ces funérailles. En choisissant de vaquer librement à leurs occupations alors que la République enterre un ses députés nationaux, plonge le régime dans le déshonneur, l’inhumanisme. Il y a seulement quelques mois, Chérubin Okende était ministre des Transports sous Tshisekedi. Nombreux d’entre ceux qui gouvernent aujourd’hui lui ont été très proches. Il a été à leur côté lors des conseils des ministres ainsi que pendant d’importantes rencontres officielles.
Qu’il ait été tué ou qu’il se soit suicidé, rien de concluant n’aurait justifié l’absence des responsables étatiques. Bien que Chérubin Okende soit passé à l’opposition, il est tout de même resté député national du pays et ancien ministre, collègue à ceux qui sont aux affaires. Kinshasa se serait donc dépassé en agissant en vrai homme d’Etat comme dans des nations civilisées à travers un fair-play politique élégant pour prouver que l’adversité politique n’est pas une inimitié. Toutefois, comme le pensent certains, les autorités congolaises ont choisi le déshonneur, plutôt que l’honneur.
Mais, une certaine catégorie de Congolais estiment que les membres du gouvernement ont été humiliés. Sans eux, l’opposant a bénéficié des hommages mérités. De grandes personnalités politiques à l’instar de Moïse Katumbi, Matata Ponyo, Delly Sesanga, Martin Fayulu, Alexis Tambwe Mwamba, Ramazani Shadari, Jaynet Kabila, Francine Muyumba, José Endundo étaient de la partie. D’une seule émission de son, tous ont veillé puis ont conduit en sa dernière demeure l’ancien porte-parole du parti Ensemble pour la République. Pour quelques commentateurs, la réussite de l’événement sans la participation des officiels du pays est une vraie humiliation pour le régime.
Jean Ngaviro